Scénographie et médiation : un duo pour l’expérience visiteur
Co organisée par le musée d’Orsay, le Louvre Abu Dhabi et France Muséums, la nouvelle exposition internationale Post-impressionnisme. Au-delà des apparences se tiendra du 16 octobre 2024 au 9 février 2025 au Louvre Abu Dhabi.
Regroupant plus d’une centaine d’œuvres dont 74 chefs-d’œuvre prêtés par le musée d’Orsay, cette exposition explore deux décennies particulièrement fécondes de la scène artistique française du milieu des années 1880 aux années 1900. En faisant dialoguer de grands noms de la peinture tels que Paul Cézanne, Paul Gauguin, Vincent van Gogh, Odilon Redon, Georges Seurat, Henri de Toulouse-Lautrec ou encore les Nabis, l’exposition a pour ambition de mettre en lumière les interactions, les points de convergence et les tendances esthétiques, picturales et artistiques qui ont donné naissance à une véritable effervescence créatrice.
Pensée par les deux commissaires en charge du projet, Jean-Rémi Touzet, conservateur peinture au musée d’Orsay, accompagné de Jérôme Farigoule, commissaire associé, et conservateur en chef de la période moderne au Louvre Abu Dhabi, cette exposition est un terrain de jeu unique et pluridisciplinaire, offrant une vue d’ensemble des bouleversements artistiques de la période. Trajectoires individuelles ou initiatives collectives, cette « constellation » post-impressionniste est ici replacée dans son contexte historique et examinée dans toute sa richesse et sa complexité.
Si la grande majorité des œuvres provient du musée d’Orsay, il convient de souligner la contribution de l’Institut national d’Histoire de l’art, du Petit Palais, du Centre Pompidou, du Louvre Abu Dhabi, des œuvres graphiques et estampes de la Bibliothèque nationale de France ainsi que des prêts du musée de Grenoble, du Signe, Centre national du graphisme et du musée Toulouse-Lautrec d’Albi.
UNE SCENOGRAPHIE PLUS POUSSÉE, AUGMENTÉE ?
Traiter de la période post-impressionniste équivaut à relever un défi de taille, celui de rendre compte d’une multitude de mouvements artistiques tantôt complémentaires tantôt en opposition mais qui résonnent les uns avec les autres, et dont les connexions ou divergences doivent être retranscrites dans un parcours cohérent pour le visiteur.
Comment la scénographie et la médiation peuvent-elles alors se combiner dans la recherche d’une expérience muséale complète pour le visiteur ?
Le rôle de France Muséums est d’accompagner le commissariat de l’exposition dans le développement de son contenu scientifique, la conception et la production du projet. Notre démarche a pour objectif de favoriser la collaboration entre les différents domaines d’expertises afin de concevoir, un ensemble cohérent dont le fil conducteur doit être la transmission du propos scientifique à travers l’expérience du visiteur. Dans le cadre de l’exposition Post-impressionnisme. Au-delà des apparences, nous avons travaillé en étroite coopération avec l’agence Scenografía qui a eu à charge de construire l’écrin scénographique de l’exposition tout en travaillant main dans la main avec Artisans d’Idées sur des propositions de médiation numérique intégrées au projet, ainsi que Graphica pour la conception de l’identité graphique de l’exposition.
La scénographie ne se limite pas à structurer l’espace physique de visite, mais doit également agir comme un médiateur qui aide le public à naviguer à travers cette richesse artistique. Elle doit alors allier deux fonctions essentielles : l’esthétique et le symbolique. La première fonction se focalise sur le parcours du visiteur, son attention, son confort ainsi que sur la mise en valeur des œuvres exposées, tandis que la seconde vise à donner du sens à la thématique choisie, à accompagner la compréhension du propos scientifique grâce à l’espace.
Cette approche holistique de l’appréhension de l’espace se traduit dans l’exposition Post-impressionnisme. Au-delà des apparences par une expérience muséale enrichie, où la scénographie et la médiation culturelle fusionnent pour créer une expérience complète.
L’exposition est conçue comme une narration visuelle et interactive. Pour représenter la diversité des mouvements post-impressionnistes, elle adopte un concept non hiérarchique et rayonnant, avec un espace central en étoile desservant différentes sections. Cette configuration facilite la compréhension des liens entre les divers courants, permettant aux visiteurs de découvrir les influences mutuelles des artistes, tout en appréhendant les caractéristiques de leurs styles distincts.
Valentina Dodi, scénographe de l’exposition : « Le travail mené depuis l’esquisse par l’équipe de maitrise d’oeuvre est une création globale. Les différentes compétences nécessaires à la conception d’une exposition sont réunies au sein d’une même équipe qui travaille à plusieurs mains sur le concept qui va structurer le parcours.
Dans le cadre du projet Post-impressionnisme le dispositif scénographique dessine un parcours central qui traduit en volume le caractère radial, panoptique et ouvert des parties du synopsis. L’espace centrale rayonne vers huit sections (chacune représentant un courant artistique du Post-impressionnisme) »
La mise en rapport des différentes salles de l’exposition, toutes accessibles depuis l’espace central, mais également communiquant entre elles, offre ainsi aux visiteurs la liberté de déambuler, au gré des courants et des artistes qu’ils souhaitent découvrir tout en traçant un parcours circulaire pour ceux préférant être guidés. Le public se voit ainsi offrir la possibilité de devenir acteur de sa propre visite et de tracer lui-même les liens et correspondances esthétiques ou formelles entre chacune des sections.
LA MÉDIATION CULTURELLE COMME OUTIL D’ENGAGEMENT
Le rôle de France Muséums consiste à concrétiser la vision du commissaire en une expérience engageante pour le public. Nous nous efforçons de créer des expositions qui instruisent et retiennent l’attention des visiteurs, en leur offrant à la fois un enrichissement intellectuel et un plaisir esthétique.
La scénographie elle-même devient un outil de médiation culturelle. Chaque section de l’exposition est conçue pour refléter les palettes et les thèmes chers aux artistes exposés, transformant l’espace en une déambulation immersive.
Pour parvenir à cette fin, il apparait essentiel de pouvoir intégrer dès les prémisses du projet, des dispositifs de médiation à des emplacements stratégiques afin de mettre l’accent sur des éléments clefs du discours et d’en faciliter la compréhension par le visiteur.
Dès l’entrée, une projection monumentale contextualise le cadre spatio-temporel de l’exposition, replongeant ainsi le visiteur dans le Paris post-impressionniste. Au centre du parcours, une table interactive fait office de table d’orientation, de boussole pour aiguiller le visiteur vers les différentes sections, tout en apportant un contenu additionnel scientifique au public à l’aide de focus thématiques sur la vie des artistes, leurs inspirations ou leurs techniques. Disséminés au sein du parcours, trois récits interactifs permettent une emphase sur la vie de grands artistes de la période, Van Gogh, Gauguin et Toulouse-Lautrec. Sur chacun de ces écrans, un système d’interaction différent permet au visiteur de se plonger dans une période clef de la vie de ces peintres, d’en découvrir davantage sur leur production et d’illustrer leurs parcours artistiques au-delà des œuvres présentées dans l’exposition.
Enfin, un dispositif ludique a été développé dans le but de synthétiser les différentes facettes du post-impressionnisme et techniques associées. Le visiteur est ainsi invité à créer sa propre peinture en mélangeant les thématiques, palettes de couleurs et styles découverts au cours du parcours, avant de la signer et de l’emporter (virtuellement) avec lui.
Ces éléments tout aussi scientifiques que ludiques et pédagogiques sont intégrés de manière fluide dans la scénographie, créant une expérience où l’art et la médiation s’enrichissent mutuellement. Cette approche favorise l’éducation par l’expérience, ajoutant ainsi une dimension personnelle et narrative, étoffant l’expérience globale des visiteurs.
Valentina Dodi, scénographe de l’exposition : « Si la structure est ainsi déjà porteuse de sens, la richesse du projet se trouve dans ce que la médiation audiovisuelle et le graphisme apportent à l’exposition. Une deuxième lecture des œuvres est donnée par des agrandissements de certaines peintures qui scandent le parcours et marquent les entrées dans chaque section : un voyage dans la matière permet au public de découvrir des détails que l’œil nu n’aurait peut-être pas vu.
La médiation audiovisuelle appuie cette approche par le contenu des dispositifs proposés mais surtout elle est un élément structurant de la visite par son implantation. Ouverture du parcours, cœur de la salle et présence ponctuelle dans les salles, la médiation accompagne le visiteur et est partie intégrante du projet scénographique. »
UNE APPROCHE HOLISTIQUE AU SERVICE DE L’EXPERIENCE MUSÉALE
Ces dernières années, les musées ont intégré de nombreuses installations numériques et dispositifs de médiation pour enrichir l’expérience des visiteurs dans leurs galeries et expositions temporaires. Ces outils interactifs encouragent une approche participative, et créent un pont émotionnel avec les œuvres présentées. Toutefois, la technologie ne saurait être une fin en soi : chaque dispositif doit être pensé et conçu en adéquation avec la vision curatoriale, le message de l’exposition et le profil des visiteurs.
Valentina Dodi, scénographe de l’exposition : « Rassembler dès le départ tous les experts de la scénographie, de la médiation audiovisuelle et du graphisme permet de concevoir une expérience de visite fluide et cohérente. Dans l’exposition Post-Impressionnisme, la salle centrale en est l’exemple le plus parlant. Dotée de dispositifs audiovisuels et d’un graphisme marqué, elle offre aux visiteurs une vision globale des différentes sections, leur permettant de naviguer librement sans parcours prédéfini. Cela favorise une compréhension plus nuancée et personnelle des œuvres. Chaque élément trouve naturellement sa place, car il est pensé en cohérence avec les autres — de la signalétique aux dispositifs de médiation — évitant ainsi les incohérences et les conflits visuels. Cette approche offre une immersion sans rupture qui facilite la compréhension et l’engagement du public avec le contenu de l’exposition. »
Chez France Muséums, nous adoptons une vision holistique dans le management de nos projets muséaux et d’exposition. L’approche que nous portons consiste à coordonner tous les corps de métier dès les prémisses du projet afin d’aboutir à une proposition cohérente évitant ainsi l’écueil de la conception décorrélée de la scénographie et de la médiation en silo, qui perd trop souvent de vue le public final et son expérience de visite.
En associant créatifs, architectes, designers, chefs de projet, consultants et équipes techniques dès le début, nous assurons une fluidité dans le développement de chaque exposition, garantissant que le propos scientifique, le narratif, les œuvres, la médiation et la scénographie au-delà de coexister, collaborent, s’enrichissent et se répondent.
Ce projet n’aurait pu voir le jour sans l’équipe polyvalente de France Muséums composée d’Adrien Berthelot, Directeur de la Programmation et de la Production, Francesca Crudo, Cheffe du pôle de Production des Expositions, Adjointe au Directeur de la Programmation et de la Production, Flora Roy, Responsable de projet senior, Valentine Bellucci, Responsable de projet, Clara Bleuzen, Chargée de production, Mathilde Dalmas, Chargée de production, Elen Lossouarn, Chargée de médiation Senior, Lise Delpech Iguedjtal, Régisseur des œuvres, Zain Al-Hindi, Manager des opérations, Charlotte Clergeau, Chargée de projets numériques accompagnés de leurs partenaires au musée d’Orsay : Jean-Rémi Touzet, Conservateur peinture, Estelle Bégué, Chargée d’études documentaires – Documentation des peintures, Fanny Matz, Chargée d’études documentaires Peintures et Odile Michel, Cheffe du service de la Régie des oeuvres.
La scénographie de l’exposition a été conçue par Scenografía (Valentina Dodi, Nicolas Groult – assistés de Léonard Faugeron), le graphisme réalisé par Graphica (Igor Devernay), l’éclairage par ACL (Alexis Coussement) et la production des dispositifs de médiation réalisée par Artisans d’Idées (Pierre-Olivier Ricault, Marie-Caroline Janin, Raphaël Théolade, Erwan Girma & Chams Kamel)
Nous souhaitons également remercier toutes les équipes du Louvre Abu Dhabi et particulièrement Rajeev Gopinadh, Responsable des expositions temporaires et projets spéciaux et Alice Querin, Cheffe du service des expositions temporaires pour le pilotage de cette exposition ainsi que Jérôme Farigoule, conservateur en chef de la période moderne, Aisha AlAhmadi, assistante curatoriale, et Amira Al Awadhi, régisseuse au Louvre Abu Dhabi.