L’Argent dans l’Art – La conservation préventive au cœur des enjeux d’exposition
France Muséums collabore avec la Monnaie de Paris dans la création de sa nouvelle exposition « L’Argent dans l’art ». Présentée au public du 30 mars au 24 septembre 2023, cette exposition témoigne de l’imaginaire riche et permanent produit par les artistes à propos de l’argent. Le commissariat de l’exposition est assuré par Jean-Michel Bouhours, ancien conservateur en chef du Centre Pompidou et directeur du Nouveau Musée national de Monaco (2003-2008), historien d’art, auteur de nombreux ouvrages et textes sur l’art du XXe siècle.
Avec près de 150 œuvres présentées de nature, d’époques et d’horizons divers dans l’histoire de l’art, cette exposition aborde une thématique rarement évoquée dans le monde scientifique, et n’est pas sans poser certains défis du point de vue de la conservation préventive, de la logistique et de la régie des œuvres. La diversité des pièces présentées créé l’immersion afin de plonger le visiteur dans les rapports complexes entre art, artiste et argent.
La conservation préventive au cœur des enjeux curatoriaux
« L’Argent dans l’art » retrace la longue lignée de réflexions portées par les artistes sur l’économie monétaire de leur temps. L’exposition est composée de deux grandes sections regroupant plusieurs thématiques. Des premières représentations matérielles, religieuses, morales, symboliques de l’argent et leur traduction par les artistes dès le XVe siècle en passant par l’avènement du marché de l’art et l’intégration artistique de l’idée de marché jusqu’à l’art dématérialisé et numérique d’aujourd’hui. L’exposition et ces œuvres interpellent le visiteur sur sa propre représentation de l’argent, et explorent toutes les facettes des relations réelles ou fantasmées qu’entretiennent les artistes avec le capital.
La liste d’œuvres ainsi proposée reflète l’ambition curatoriale de cette exposition et constitue un véritable défi pour les équipes conceptrices de la Monnaie de Paris et de France Muséums. 70 prêteurs différents accordent des prêts de typologies variées et inhabituelles permettant de présenter plus de 150 œuvres parfois très inattendues. Ces œuvres sont exposées sur une surface d’environ 900 m2.
En tant qu’agence d’ingénierie culturelle, France Muséums est intervenue sur les phases de conception, de gestion des prêts, régie des œuvres, coordination globale, médiation, assistance à la scénographie et aménagements intérieurs et production de l’exposition. France Muséums a eu à charge plus spécifiquement de guider le commissariat d’exposition et les équipes de la Monnaie de Paris en apportant son expertise et sa connaissance sur des sujets de conservation préventive.
L’équipe projet pour cette exposition se compose d’Olivia Davidson, Directrice des expositions et édition, Valentine Bellucci, Cheffe de projet, Ophélie Guinet, Régisseuse d’œuvres, Marie Knidler Régisseuse d’œuvres, Alice Fourmont, Chargée de projet médiation et programmation, Mathilde Etot, Responsable médiation et programmation éducative, Solène Mannant, Chargée de production et Zeynep Inanc, Assistante de projet d’exposition / consultante.
La nouvelle exposition « L’Argent dans l’art » de la Monnaie de Paris a demandé aux équipes de France Muséums une expertise technique poussée en coordination des opérations de transport, de conditionnement, de mouvement et d’installation des œuvres afin d’accompagner au mieux les équipes curatoriales notamment sur la conception du parcours de visite.
Les musées ont pour mission le partage de la connaissance par l’exposition des objets mais ils se doivent également d’en garantir la préservation pour les générations futures. Le choix des œuvres et des objets dépend en premier lieu du message que le commissaire d’exposition veut transmettre. Pourtant, d’autres contraintes que celle de la vision du commissariat doivent être prises en compte. En effet, lors de la conception d’une exposition, il est impératif de définir les principes de présentations des œuvres en tenant compte de la matérialité des items (poids, dimensions, composition…), mais aussi du bâti existant et de l’environnement muséal. L’objectif étant de mettre à disposition des dispositifs muséographiques adéquats (systèmes de sécurité, éclairage, mobilier scénographique et systèmes d’accrochage) tout en garantissant le respect des normes de conservation préventive (régissant notamment l’humidité ambiante, la lumière, la lutte contre les polluants, contre le vandalisme etc.). Tous ces facteurs influencent fortement la répartition des œuvres dans le parcours de visite et peuvent amener à des changements dans le propos scientifique de l’exposition.
La typologie des œuvres et leurs impacts sur l’expérience de visite
L’exposition « L’Argent dans l’art » regroupe de nombreuses typologies d’œuvres mêlant peintures, arts graphiques, pièces composites composées de matériaux organiques (robe en viande, momie, squelette), textiles, sculptures et œuvres digitales. Pour chaque typologie d’œuvre, des règles et recommandations de conservation préventive spécifiques doivent être appliquées ce qui a un impact sur le parcours de visite mais également sur l’expérience du visiteur.
Les équipes de France Muséums ont accompagné la Monnaie de Paris dans la prise en compte des contraintes de conservation pour chaque œuvre exposée. Elles ont notamment pu intervenir sur deux sujets complexes : les arts graphiques et les œuvres organiques. Les œuvres graphiques comme les dessins et les estampes ont une sensibilité spécifique liée aux matériaux qui les composent et sont particulièrement vulnérables aux divers facteurs d’altération comme la lumière (Lux et UV) et les variations hygrométriques. Dans le cas de l’exposition « L’Argent dans l’art » sont exposées plusieurs œuvres graphiques de nature diverses comme une page du « dossier préparatoire à la rédaction de L’Argent » par Emile Zola ou encore une œuvre photographique représentant le « Portrait du baron James de Rothschild (1792-1868) » par André-Adolphe-Eugène Disderi.
Il est indispensable qu’elles soient conservées sous une luminosité adaptée et à l’abri de la pollution avec un climat stable et contrôlé. Photosensibles, les œuvres sur papier ne peuvent être exposées que pendant une durée maximale de 3 mois, à un faible éclairement, et doivent ensuite reposer pendant 3 ans dans l’obscurité avant d’être à nouveau présentées au public. C’est tout le challenge de cette exposition dont la durée est de 6 mois. Les équipes curatoriales ont donc dû faire des choix de présentation en sélectionnant une partie des œuvres graphiques pour les 3 premiers mois d’exposition puis organiser une rotation de ces œuvres pour exposer de nouvelles pièces en remplacement. France Muséums a accompagné les équipes sur la temporalité des œuvres exposées afin que la rotation ait un impact minimal sur le message de l’exposition et l’expérience du visiteur. Certaines œuvres d’art contemporain, par leurs matérialités, posent des défis d’installation liés à des protocoles complexes de montages nécessitant un assemblage in-situ sur le lieu d’exposition. C’est le cas notamment du travail de Jana Sterbak qui sera exposé à la Monnaie de Paris. Sa robe réalisée à partir de morceaux de viande demande une reconstitution sur place en suivant un protocole de montage laissé par l’artiste. Cette œuvre contemporaine ainsi que les autres œuvres organiques présentes dans l’exposition comme une main momifiée ou encore « Contrat pour un corps n°3 » de Michel Journiac représentant un squelette sont soumis aux risques d’infestation (insectes et moisissures) et de dégradation, liés à la lumière. Ils demandent une veille sanitaire stricte avec notamment le positionnement de pièges à insectes pour éviter toute infestation qui pourrait détruire les œuvres.
L’impact sur l’expérience visiteur est multiple de par les changements et modifications des œuvres présentées au cours de la période d’exposition mais également à cause de leur hétérogénéité en termes de courants artistiques, d’époques, de typologies et de complexité. Les équipes de France Muséums ont travaillé pour trouver la médiation la plus juste afin de laisser exister les œuvres par elles-mêmes tout en donnant des clés de compréhension et en guidant le visiteur dans les différentes sections et thématiques abordées. En plus des différents cartels explicatifs et délimitation de salle, trois dispositifs de médiation ont été développés par les équipes médiation de France Muséums dont un parcours pédagogique se déployant sur l’entièreté de l’exposition. Ce dispositifs low tech regroupant 5 stations à manipuler disposées à côté d’œuvres complexes permet une interaction du public avec les œuvres afin de les appréhender d’une autre manière et en comprendre la dimension et le sens. De nombreuses notions sont abordées dans cette exposition, certaines parfois complexes pour le grand public. C’est le cas notamment dans la seconde partie de l’exposition. Est questionné la valeur attribuée à l’œuvre d’art et le concept même de ce qui fait œuvre d’art. Les équipes médiation ont travaillé sur un dispositif numérique interactif accessible à tous les publics expliquant ces questions à travers le jeu.
La conception et la production d’une exposition implique de trouver des modes de présentation sécurisés garantissant une bonne conservation tout en valorisant les œuvres exposées aux yeux du public afin de créer les conditions nécessaires à l’expérience et la rencontre. C’est tout l’enjeux pour les experts de France Muséums que de trouver, pour chaque projet culturel et patrimonial, la juste balance entre respect des ambitions curatoriales, accessibilité de présentation pour le public et conservation préventive.