Expert’s corner – Le développement durable dans le secteur muséal

A l’occasion de la publication de la politique sociale et environnementale de France Muséums, Zélie Roche, Responsable des relations institutionelles et de la RSE, nous livre ses réflexions sur l’évolution du secteur muséal en matière de responsabilité sociale et environnementale et présente le travail réalisé par France Muséums pour mener à bien cette politique.

Comment faire progresser à grande échelle le développement durable dans le secteur muséal international ?

Du fait de leur utilité publique, les musées ont jusqu’à présent peu eu d’obligations réglementaires en termes de durabilité[1]. Pour autant, nombre d’entre eux se sont attelés à la tâche en mettant en place des stratégies de développement durable. Même si en France, le musée du Louvre, Universcience ou le Muséum national d’Histoire naturelle se sont, entre autres, saisis du sujet depuis plusieurs années, force est de constater que nos confrères anglo-saxons ont parfois pris de l’avance dans la mise en œuvre concrète de leurs stratégies. En effet, le musée d’histoire naturel de Londres ou le British Museum, qui ont mis en place leurs feuilles de route climat, viennent récemment d’annoncer leur volonté d’aligner leurs objectifs sur une trajectoire Net Zero[2]. Le Guggenheim ou les musées australiens, quant à eux, ont pris des engagements sociaux forts à travers notamment des chartes éthiques ou la mise en place d’ateliers de sensibilisation et communiquent régulièrement sur leurs actions.

Grâce à ses implantations en France et à l’étranger, France Muséums est au cœur d’un écosystème culturel international qui se doit de répondre à ces enjeux climatiques et défis globaux et contemporains.

A travers le réseau muséal qu’elle tisse, une mission essentielle de France Muséums est de montrer que le rôle social des musées est indissociable de leurs rôles culturel, scientifique et éducatif. En d’autres termes, de mettre en lumière la contribution positive des musées sur les populations et les territoires. L’ouverture d’esprit, la contemplation, l’apprentissage et les questionnements sur le monde qui nous entoure sont autant d’éléments à laquelle une expérience de visite participe. Sans tomber dans le discours moralisateur, le musée, ses œuvres et ses espaces peuvent jouer un rôle clé dans l’éveil des consciences aux enjeux sociétaux, la transmission du savoir, la préservation des cultures ou encore la tolérance. Les musées sont des lieux de vie ouverts à tous, notre rôle chez France Muséums consiste à favoriser leur accès à des publics divers et mixtes.

D’autre part, sur le plan environnemental, le caractère temporaire et itinérant des expositions et des évènements suscitent de véritables questions quant à l’utilisation des ressources et de l’énergie nécessaires à leur mise en place. Chaque étape compte, l’approche est systémique. Qu’il s’agisse du choix des œuvres, de leur transport, de la création de la scénographie ou du contenu de médiation, de la construction de l’écrin physique qui accueillera les œuvres, comme du déplacement des visiteurs, toutes les étapes liées à la mise en œuvre d’une exposition constituent autant d’impacts environnementaux qu’il nous faut anticiper. Tout se joue donc au moment de la conception du projet, du choix du nombre d’œuvres et de prêts étrangers, de la définition de la superficie comme de la durée d’exposition, car toutes ces décisions impactent la chaine de valeur. Si ajouter des critères environnementaux aux cahiers de charges des prestataires retenus peut avoir un impact, la force de frappe restera toujours nettement inférieure à une réflexion en amont et beaucoup plus globale autour de la provenance et du nombre d’œuvres exposées comme de l’allongement de la durée d’une exposition.

En endossant le rôle de coordinateur de l’ensemble des acteurs qui interviennent sur nos projets, France Muséums occupe un rôle de médiateur privilégié permettant de favoriser l’intégration des enjeux environnementaux au cœur même des projets. L’intuition fondamentale, construite sur une longue expérience d’expositions menées à l’étranger, est que la prise en compte très en amont de ces enjeux ne remet en cause ni la richesse scientifique des projets ni la qualité de l’expérience visiteur, bien au contraire.  En intensifiant les partenariats et la collaboration entre intervenants, en prenant le temps de faire remonter les contraintes de chacun, nous encourageons le changement des pratiques et l’innovation vers des méthodes plus durables.

En plus de l’évolution des pratiques, ces groupements d’acteurs ont pour avantage d’avoir un effet de levier auprès des pouvoirs publics. La mutualisation des contraintes et besoins du secteur permettent d’accompagner la transition grâce à la création d’outils adaptés, la mise en place de nouvelles réglementations, ou encore l’obtention de subventions. Le gouvernement se nourrit du retour de terrain des entreprises et institutions, tout comme il a besoin de connaitre l’appétence de la population face au changement des pratiques culturelles, pour mettre en place des mesures adaptées. Une fois de plus, la démarche est systémique.

Enfin, l’intensification de l’impact social et la réduction de l’impact environnemental, évoqués plus haut, ne peuvent se réaliser sans un fort engagement de la gouvernance. Cette orientation stratégique doit être assumée et largement communiquée à toute la chaine de valeur du secteur. Pour être pérenne, la mise en place d’une politique de développement durable doit être bénéfique pour l’entreprise. La résilience au changement climatique, aussi importante soit elle, n’est d’autant plus appliquée que lorsqu’elle apporte des bénéfices concrets à l’entreprise. Ces derniers peuvent se traduire tant au niveau financier, avec l’économie ou la réduction de coûts, que sur le plan humain avec la fidélisation de talents par exemple. Définir la stratégie de développement durable demande donc une certaine créativité pour repenser les métiers et processus internes. L’établissement d’objectifs ambitieux et la prise de risques sont primordiaux pour faire évoluer les pratiques et encourager les innovations.

Chez France Muséums, nous avons travaillé dans un premier temps en interne pour réduire nos impacts environnementaux et augmenter nos impacts sociétaux, puis à l’échelle des projets sur lesquels nous sommes impliqués, sans abdiquer l’excellence culturelle et scientifique que nous visons constamment. Le développement durable constitue un élément essentiel de notre activité et est devenu une composante fondamentale de notre accompagnement auprès des musées.  En apprenant de nos erreurs, nous nous efforçons d’améliorer nos procédures. Il existe de nombreuses solutions, à nous d’être créatifs pour les mettre en application.


[1] « Durabilité » : satisfaction des besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins. Source : https://www.un.org/fr/impact-universitaire/durabilit%C3%A9

[2] « Net Zero » signifie que les émissions de gaz à effet de serre sont réduites à un niveau aussi proche que possible de zéro, les émissions restantes présentes dans l’atmosphère étant réabsorbées, par les océans et les forêts par exemple. Source : https://www.un.org/fr/climatechange/net-zero-coalition